Une différence qui a un nom

Aussi loin que je me souvienne, je me suis toujours senti différent des autres.

Dans un groupe d’amis, j’ai toujours senti que je n’étais pas comme eux, que j’étais « l’autre ». Pas qu’ils ne m’incluaient pas, ou qu’ils le faisaient d’une façon différente qui aurait pus me faire sentir ainsi. Non, c’est que moi, je n’avais jamais l’impression d’être comme eux. J’ai toujours eu l’impression que mon cerveau fonctionnait de façons différentes.

Puis, principalement par essoufflement social, j’ai cherché un peu sur Google. Faut dire que j’utilise Google pour tout. Je suis le mec bizarre qui va rechercher « comment se faire des amis » sur Google, faute de bons moyens. Ou « comment savoir quand la discussion est terminée », faute de savoir quand l’autre reste par respect ou par intérêt. Bref, en m’informant un peu sur l’autisme de haut niveau et sur le syndrome d’Asperger, ça a piqué une curiosité incommensurable. Et beaucoup de doutes. Beaucoup, beaucoup de doutes. Est-ce que ça s’appliquait vraiment à moi ?

Autisme de haut niveau : pour « hautement fonctionnel » par rapport aux autistes les moins fonctionnels du continuum du spectre de l’autisme

Syndrome d’Asperger : forme d’autisme dite de haut niveau. C’est la forme d’autisme où les gens sont le plus fonctionnels dans la vie de tous les jours.

J’ai une connaissance Asperger. Je ne me serais jamais reconnu en elle. Comme elle ne se serait jamais reconnue en moi.

Donc j’ai lu, lu, et lu. Je me suis reconnu. Pas à 100%, car lorsqu’on s’informe sur toutes les facettes du syndrome, ça ne veut pas dire qu’on les a toutes. C’était comme si on parlait d’une partie de moi que je refoule chaque jour pour avoir l’air « normal ».

Mon doute était trop grand, pouvais-je l’être ? J’en ai donc parlé à ma connaissance Asperger.

Je lui ai dit :

Salut, excuse-moi de te déranger ici, tu répondras quand tu auras une minute, connais-tu ce test? http://www.rdos.net/fr/index.php

Son résultat est-il un peu fiable? Comment as-tu fait pour obtenir ton diagnostic?

Ce n’est pas pour moi, je prends l’info

La dernière phrase est importante. « Ce n’est pas pour moi, je prends l’info ».  Ça m’a vraiment pris toute mon énergie pour lui écrire ce message, mais encore plus pour jouer l’imposteur. Jusque là, c’était seulement privé dans ma tête, et j’avais décidé de laisser ça ainsi.

Il faut dire que l’autisme est un spectre, donc le « niveau » d’autisme est différent d’une personne à l’autre. Comme tout le monde, les autistes naissent devant une page blanche où ils écrivent leur histoire et apprennent à leur façon. Comme tout le monde, chaque personne Asperger a ses forces et ses faiblesses ainsi que des capacités d’adaptation différentes face à chacune de ses difficultés. Donc dépendant de l’âge où est posé le diagnostic, il peut être de plus en plus difficile de diagnostiquer le Syndrome en raison de l’apprentissage social, de l’intelligence, du niveau d’autisme, etc.

Le niveau d’autisme de ma connaissance est plus élevé que celui que je me soupçonnais d’avoir. C’est donc pour cette raison que je ne me reconnaissais pas en elle, et qu’elle ne se reconnaissait pas non plus en moi.

J’ai donc menti. J’ai dit que ce n’était pas pour moi.

Puis, je lui ai donné mon résultat de l’Aspie-Quizz auquel elle a répondu :

C’est un indice. Ça peut être autre chose, mais ça vaudrait la peine de consulter.
La personne peut me contacter si elle veut, c’est quoi son lien avec toi ?
Je sais que ce n’est pas pour toi, tu ne colles pas à ça.

« Je sais que ce n’est pas pour toi, tu ne colles pas à ça. »

Puis je lui ai dit que c’était pour moi.

Surprise.

Mais de plutôt courte durée. Nous avons discuté une bonne heure et demie par la suite et nous nous sommes finalement trouvé beaucoup de points communs dans le spectre. C’est qu’aux premiers abords, mon autisme est limite indétectable. Je suis un maître du déguisement neurotypique, mais à un prix infiniment élevé en termes d’énergie. Donc, comme je disais, nos niveaux sont différents. Chaque personne autiste l’est à sa manière, avec ses particularités, au même titre que tous les milliards d’êtres humains sur notre planète sont différents.

Mes doutes étaient donc fondés.

J’ai pris un rendez-vous avec une neuropsychologue qui m’a été référée pour ce type de diagnostic.

Ma connaissance m’a prêté plusieurs livres sur le SA (syndrome d’Asperger) et le TSA (trouble du spectre de l’autisme), que j’ai dévorés. J’en ai ensuite acheté plusieurs, que j’ai dévorés aussi.

Au fils des lectures, dont le génial Asperguide de Tanya Izquierdo, la rétrospection et mon apprentissage du SA me confirmaient mon diagnostic personnel. C’est une première étape, mais loin d’être suffisante pour moi pour avoir le coeur net. La prochaine étape était donc le rendez-vous avec la neuropsychologue.

Dans un mois.

Même si je tentais de résonner ma tête, elle ne pensait qu’à ça. J’ai décidé d’appeler ma neuropsy avec l’espoir d’obtenir un rendez-vous plus tôt. Mon anxiété l’en remercie, je pus la rencontrer deux semaines plus tôt que prévu.

Ce fut une rencontre très intéressante.

Mais, avant la rencontre, j’ai dîné à grande vitesse à l’épicerie voisine.

À mon arrivée sur place, trois minutes plus tôt que l’heure prévue du rendez-vous (dans mon cas, c’est être en retard), j’avais encore les mains graisseuses du repas express. Mon plan était donc d’entrer, de demander où se trouvaient les toilettes, d’aller me laver les mains et de revenir les mains et l’esprit propres pour bien débuter la rencontre. Lorsque je suis arrivé, j’ai vu la secrétaire derrière un bureau mais j’ai aussi entendu une personne à l’accueil dire un : « Monsieur Keven ? », auquel j’ai nerveusement répondu à l’affirmative. Mon plan a échoué. C’était ma neuropsy qui m’attendait. J’ai donc dit bonjour, elle m’a demandé de la suivre vers son bureau et j’ai demandé où se trouvaient les toilettes. Banale. Pourquoi je raconte ça ? C’est que je n’avais pas encore saisi à ce moment que la rencontre était déjà commencée ! Elle ne m’a pas seulement indiqué où se trouvaient les toilettes, mais m’y a plutôt amené, ce qui est une forme de gentillesse que je peux apprécier. J’ai entendu quelqu’un derrière la porte, donc nul besoin de créer un moment de malaise où j’essaie d’ouvrir une poignée barrée et où la personne à l’intérieur sait maintenant que quelqu’un attend après elle. Je me retourne, l’air de rien, pour regarder les environs en attendant, et ma neuropsy m’observe sans aucune discrétion. C’est à ce moment que j’ai compris que la rencontre avait commencé à la seconde où j’avais franchi la porte d’entrée.

Bref, je me suis lavé les mains, je les ai fait sécher et j’ai enfin dit bonjour à ma neuropsy comme il se doit en lui serrant la main. Puis nous sommes allés dans son bureau.

Ce fut une rencontre fort agréable où j’ai pus être moi-même à 100%, en désactivant à quelques reprises le masque social que j’ai appris à bâtir en 26 années d’apprentissage. Ce n’est pas quelque chose que je fais souvent.

J’ai bien hâte à la prochaine rencontre et au possible diagnostic officiel afin d’en parler (ou pas, ce sera probablement le sujet d’un prochain article !).


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Keven

À propos de Keven

Passionné d'informatique, d'électronique et de « machines à gaz ». Papa d'un garçon et de deux jumelles. Sur mon bateau d'Aspie, tantôt troué tantôt réparé, j'échappe quelques lignes sur mon blogue que j'ai créé pour évader mes pensées.

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